Nuit (1986) est une oeuvre dans laquelle quatre femmes et quatre hommes, aux prises avec les remous du quotidien, interagissent dans une « histoire sans récit » elle-même annonciatrice d'oeuvres à venir. Au cours de cette nuit âpre où chacun se pousse à bout, divers types d'interaction prennent forme et différentes tensions s'installent entre les matériaux, les masses, les volumes, les configurations. La danse devient ici une « matière sculpturale douée de mobilité ».

Cette oeuvre exigeante et impétueuse, qui se joue dans la pénombre, exprime une vulnérabilité aussi troublante que souterraine. Dans sa singulière matérialité, dans l'osmose qui s'opère entre ses multiples composantes que signe encore une fois Perreault, Nuit est une oeuvre majeure non seulement dans son répertoire, mais aussi dans le paysage canadien de la chorégraphie. On a souvent dit à tort que la danse est un art éphémère; la représentation l'est certainement, mais pas l'écriture chorégraphique, ni les autres éléments qui font partie intrinsèque de l'oeuvre. Même l'interprétation n'est pas vraiment éphémère, car souvent elle laisse une marque indélébile dans la mémoire et l'âme du spectateur. Quand les lumières de la salle s'éteignent et que la pièce débute, il n'y a plus que la rencontre de l'interprète et du spectateur dans l'instant et le lieu même qui compte. De nombreux interprètes ont dansé Nuit au cours des années et chacun y a apporté et laissé un peu de lui-même. Encore une fois, cette saison, une nouvelle distribution relève le défi et y laissera sa marque.

Il est primordial pour la nouvelle danse d'aborder et même de valoriser son répertoire. C'est à la fois un signe de la maturité atteinte par cette forme d'art et la garantie de son constant renouvellement et de sa pertinence dans le futur.